PYRROS DIMAS

Un matin de printemps 1991, un bus d’un autre âge parvenait péniblement à la frontière entre l’Albanie et la Grèce. Un point depuis longtemps difficile à franchir officiellement mais que le jeune Pyrros regardait avec la gourmandise de ses vingt ans. Une frontière où tant de monde avait perdu la vie en tentant de retrouver la liberté et le moyen de vivre… seulement de vivre, rien de plus. En ce matin de printemps Dimas jouait la plus grosse carte de sa vie. Avec seulement une petite valise en carton et le chat qu’il avait dorloté durant les longues soirées d’hiver passé dans la vieille maison de Chimarra qui l’avait vu naître sous le nom de Pirro Dhima. Les douaniers étaient là, suspicieux dernier rempart avant la liberté. Son stratagème allait-il fonctionner. Pyrros n’en était plus certain. Lui l’espoir de l’haltérophilie albanaise, quatrième des championnats d’Europe 1990 à Aalborg au Danemark, allait-il parvenir à tromper ses dirigeants. Depuis quelques semaines il boitait bas et se plaignait des ménisques… Simulation certes mais qui au fil des jours entretenait les conversations au centre des sports de Tirana. N’ayant pas d’autres solutions les coaches Albanais acceptèrent de laisser leur plus grand espoir se faire opérer à Athènes.

Restait à franchir cette fichue frontière et la chance accompagna Pyrros, le douanier sportif a ces heures, connaissait l’haltérophile et croyant bien faire lui facilitait le passage. De l’autre côté une voiture l’attendait pour le conduire vers les sommets de la gloire sans opérations des ménisques bien sûr. Taillé comme un roc, la musculature saillante Dimas, qui parlait couramment le Grec, était vite accepté dans son nouveau pays. Ioannis Sgouros le président de la fédération grecque d’alors qui avait facilité son « évasion » le prit sous sa coupe au Milon club.

Et les résultats ne se font pas attendre puisque Pyrros devient champion olympique dès les Jeux de Barcelone, en 1992, avec 370 kg quelques mois plus tard au poids de corps et devient lieutenant dans l’armée grecque. Il confirme ce succès en gagnant le titre de la catégorie des 91 kg aux Jeux Méditerranéens du Languedoc-Roussillon en 1993. Il réédite facilement sa victoire olympiques quatre ans plus tard à Atlanta en devenant capitaine puis à nouveau au poids de corps à Sydney. En Australie, il égale le Turc Naim Suleymanoglu et obtient le grade de commandant.

L’étoile de Dimas va alors grandir à la vitesse de la lumière et ne peut plus marcher tranquillement dans les rues. Dès qu’il apparaît c’est la panique. Il lui est impossible de payer la moindre facture dans les magasins. Les vieilles gens viennent lui embrasser les mains et lui donne des colliers en or pour le remercier de ses exploits. Il compte bien battre Suleymanoglu chez lui à Athènes pour ses quatrièmes JO. Mais usé par 15 ans de compétitions à haut niveau, trois opérations du genou, deux de l’épaule, du poignet et quelques autres bobos dépasse bien le Turc mais en n’arrachant seulement le bronze. Il rejoint l’Américain Norbert Schemansky ayant gagné une médaille dans quatre éditions des Jeux (1 or, 1 argent, deux bronze) mais pour la Grèce il est devenu roi.